Il avait l’impression de flotter… à moins qu’il soit en train de tomber ? Son esprit était embué de vertige. C’était difficile de faire la différence mais, ce n’était pas une sensation désagréable. Il n’avait plus besoin de réfléchir. Juste de se laisser porter par le courant… Une chaleur agréable l’enveloppait telle une couverture épaisse.
Une étincelle d’amusement fit frémir Zhuang. Cela faisait tellement longtemps qu’il n’avait pas dormi dans un véritable lit que l’idée le faisait rire. Peut-être qu’il s’était tellement habitué à sa nouvelle condition de vie que dormir à même le sol lui paraissait maintenant normal.
Se sentant reposé et dénué de toute envie de rester ensommeillé, le petit garçon ouvrit les paupières. Elles papillonnèrent un instant. Puis, il tourna la tête sur le côté sans la moindre difficulté. Il ne ressentait aucune douleur. La journée passée paraissait n’être qu’un lointain souvenir. Le sol ou l’engourdissement d’être allongé depuis plusieurs heures n’étaient pas présents. La sensation de flotter avait tout emporté.
Son regard sonda son entourage. Les murs de la cave étaient éclairés par les cendres encore brûlantes d’un feu mourant. Pourtant, d’une clarté inhabituelle, l’enfant pouvait distinguer quatre silhouettes endormies. Deux d’entre elles étaient plus larges. Leurs membres étaient entremêlés dans une étreinte chaude alors que les deux plus petites étaient emmitouflées dans un manteau. Tous paraissaient profondément plongés dans le pays des rêves.
Zhuang se pencha en avant, détaillant les traits du plus jeune humain. Ses cheveux noirs contrastaient avec son visage pâle. Une sorte de fascination caressa sa conscience quand il comprit que c’était lui-même qu’il voyait. Fantôme jumeau, l’autre Zhuang ronflait paisiblement. Un air de profond épuisement était dessiné sur son visage pâle presque maladif.
Étrangement, aucune question vint au petit garçon. Tout était parfaitement naturel alors, il n’avait aucune raison de se creuser la tête. Ses pensées étaient comme enfouies sous des couches de coton. Elles l’empêchaient de réfléchir mais, tout son environnement semblait si… transparent.
Il ressentait tout. Il voyait tout.
Le vent faisait rouler les pelotes de saleté à l’entrée de l’abri. Il huma l’air et le parfum du feu de camp emplit ses narines. Au loin, une créature poussa un long hurlement. On aurait dit un loup.
Zhuang sourit. Il se sentait bien.
Sans la moindre difficulté, il se dirigea vers la sortie. La nuit explosa en une myriade de lumière et de sens. Tout était extraordinaire et parfaitement commun. L’odeur sucré des fruits encore accrochés à leurs branches lui titilla les bronches. Le chant de l’eau sur les rochers l’assourdissait sans être douloureux. Les arbres formaient des ombres non pas inquiétantes mais, agréables. L’enfant leva ses doigts et il toucha les couleurs du ciel. Ce dernier était dépourvu de son astre mais, le petit garçon dessinait son contour.
Puis, il se rapprocha des flots. Il y rentra sans même les toucher. Tels des multiples yeux multicolores, les étoiles le couvaient du regard. Du ciel et au fond de l’eau. Elles lui parlaient. Zhuang les compta toutes. Elles dansaient. Un miroir des cieux où son contenu était perdu entre les remous de la rivière.
Les eaux de Morte-Lune.
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