Ich bin ein RPlayer

La première chose à savoir sur Anton c'est qu'il est plutôt secret et réservé. Il ne parle pas beaucoup de sa vie. Pour cause, il est sourd-muet ! Il souffre en effet d'une déficience auditive totale. Aucun son ne lui parvient. Aussi, vous auriez beaucoup essayer de le surprendre en faisant éclater un sac en papier gonflé près de son oreille, il ne sursautera pas. Attiré par le mouvement, il y a cependant la chance qu'il se retourne vers vous et vous adresse un grand sourire sincère.

Le jeune allemand a en effet apprit à vivre de son handicap. Il n'en a pas honte. Pour lui, c'est juste un aspect de sa personne comme une autre. Il trouve même que cela lui fait un point qui le fait sortir du lot. Le fait de ne rien pouvoir entendre fait qu'il se concentre beaucoup sur le visuel. Aussi, scrute-t-il toujours tout le paysage, les décors, avec attention. Sa tête reste rarement immobile tant il est occupé à enregistrer chaque détail qu'il voit. Sauf que cela n'est jamais assez pour lui. Il doit toujours voir plus, enregistrer plus de détails dans sa tête. Il ne tient donc jamais en place et est toujours partant pour partir, sans peur, explorer le moindre lieu. En cela, il est assez égoïste et n'attendra pas l'avis des autres avant d'aller de l'avant.

Néanmoins, s'il est vif et intenable en ce qui concerne son environnement, il est plus patient lors de ses contacts humains. Il devient calme, toujours avec le sourire, et « écoute » son ou ses interlocuteurs parler. N'ayant d'autres choix que de lire sur les lèvres, il les fixe sans rien dire. Cela peut sembler déstabilisant, perturbant, mais, il n'a pourtant d'autres choix. Aussi, il a été habitué à être rapidement ignoré, mis de côté ainsi qu'à la solitude. Pour palier à cette solitude, il a trouvé refuge sur le net où la communauté en ligne ne le dénigre pas. Après tout, quasiment tout se passe par écrit sur le net. Il y puise aussi de quoi nourrir sa curiosité, tant par des photos de paysages qu'il note à explorer pour plus tard que des avancées scientifiques. Car oui, il nourrit quand même l'espoir de pouvoir entendre un jour.

Il a néanmoins appris que l'on obtenait rien sans mérite. Aussi, il se donnera toujours à fond dans ce qu'il entreprendra. Cela cache toutefois quelque chose, la peur de décevoir. Son handicap étant quand même un poids pour lui, même s'il ne le montre pas, il tente de prouver à chaque instant, chaque possibilité qu'il est capable de faire autant voir plus que les autres. Il tient à être considéré comme quelqu'un de « normal » et refuse les traitements de faveur. Il se mets même en avant pour justement montrer qu'il n'est pas un poids pour les autres.

Il y a vingt ans, naissait Anton dans une clinique de Berlin. Il aurait pu être un jeune garçon comme tant d'autres naissant dans une clinique parmi tant d'autres mais il était particulier. Il ne réagissait pas aux sons qu'il entendait. Avec le temps et des examens, les médecins se rendirent compte que le bambin était atteint d'une déficience auditive totale. Aucun son ne lui parvenait. La tâche paraissait compliquée au couple composé par Victor et Agnès Moor. Le père était ancien champion de boxe française qui a du arrêter sa carrière suite à une blessure. Son épouse avait été présente pour lui et l'aidait à la salle de boxe qu'ils ont tous les deux. Néanmoins, lui qui jubilait à l'idée d'un petit garçon qu'il imaginait déjà futur champion déchantait déjà.

Cela se reflétait dans l'éducation qui a été offerte à leur enfant. Il n'a pas été battu ou maltraité par ses parents. Sa mère le choyait même. Cependant, le travail occupait beaucoup les deux parents aussi, Anton passa beaucoup de temps à la salle de sport à observer des gens faire des exercices, se battre même de temps en temps. Il voyait aussi son père s'investir beaucoup plus là-dedans qu'avec lui et cela lui pesait un peu. Cependant, son paternel lui avait interdit de monter sur le ring, il ne lui avait même jamais proposé une seule série d'exercice. Aussi, dans le but d'attirer son attention, il avait demandé à sa mère de lui faire des programmes de séances en cachette qui a cédé.

Sauf qu'il n'y avait pas que ses rapports avec son père qui n'allait pas. Durant toute sa petite enfance, il s'était fait exclure par les autres enfants, à l'école, chez la nourrice ou simplement dès qu'il y avait un rassemblement. La cruelle innocence des enfants faisait que sa différence était montrée du doigt, il était mis à l'écart en se faisant traiter de monstre. Le fait qu'il était plus grand que la moyenne ne l'aidait pas. Pour cela que ses parents ont finalement opté pour des cours à domicile, via des tuteurs. Cela leur coûtait peut-être cher mais, ils tenaient quand même à leur enfant. Ce fut Agnès qui eut l'idée de lui offrir un ordinateur. Avec cet appareil, pas besoin d'entendre, tout était affiché à l'écran. Nul besoin de dialogue oral, l'écrit suffisait. Pour Anton, ce fut comme une renaissance. Il pouvait échanger avec des gens sans que ces derniers ne l'excluent. C'est grâce à cet engin qu'il put aussi se faire ses premiers amis même si, ils n'habitaient pas dans la même ville, voire le même pays que lui. Il fallait dire que les nombreux échanges qu'il avait, avait incroyablement augmentés son niveau en anglais.

Ce fut notamment grâce à ses fameux amis qu'il eut le courage de franchir un pas dans la relation avec son père. Âgé alors de seize ans, il monta pour la première fois sur le ring. Son père n'arrivait pas à trouver de partenaire d'entraînement pour un jeune prometteur qu'il formait à ce moment-là. Aussi, accepta-t-il à contrecœur. Pour Anton, ce fut comme un rêve. Il avait longtemps imaginé monter sur le ring, avoir son père dans le coin lui criant des encouragements, le conseillant. Sauf que c'est qu'une fois le signal du départ donné qu'il se rappela qu'il ne pouvait pas entendre son père. Il ressentit alors une solitude plus intense que jamais qui le paralysa et son adversaire n'eut besoin que d'un seul coup pour le mettre à terre. Le visage contre le sol, il jeta un œil à son père qui détourna rapidement son regard. Le verdict était clair : il avait raté, il l'avait déçu. Une fois de plus.

La période qui suivit cet événement fut très dur pour le jeune allemand. Il n'osait plus regarde son géniteur et baissait même la tête, fixant le sol, quand ce dernier était présent. Il ne se présentait plus à la salle et sa mère ne pouvait rien pour lui remonter le moral. Ses amis du net non plus et il les délaissa même. Sombrant dans la déprime, il tentait de lire, de regarder tout ce qui lui tombait sur la main, sous les yeux mais en vain. Il n'avait plus goût à rien. Jusqu'à qu'il tomba sur l'article qui changea sa vie. Un sourd-muet, comme lui, avait réussi l'exploit de grimper sur le mont Everest. L'interview présente sur ledit article le fascina et il entreprit alors de faire des recherches sur cet alpiniste qui au final, avait un bon paquet d'exploits à son actif. Il se retrouvait galvanisé par cet homme. Si lui avait pu réussir ce qu'il avait souhaité entreprendre alors pourquoi Anton ne pourrait pas en faire autant ? S'il suffisait de fournir plus d'efforts et bien, il le ferait. Ce fut d'ailleurs grâce à cet homme qu'il se découvrit un goût pour l'exploration et la plongée dans l'inconnu.

Cette époque était importante pour Anton car il finissait le lycée et il était temps pour d'entamer ses études supérieures. Toujours galvanisé, il avait annoncé son projet à ses parents en les regardant des les yeux, même son père. Il voulait étudier les sciences médicales. Il se doutait très bien qu'il avait sans doute aucune chance de pouvoir entendre un jour mais d'autres que lui avait de meilleures chances. Si lui ne le pouvait pas alors, il ferait en sorte que les autres le peuvent. C'est à ce moment-là, qu'il avait aussi annoncé à son père qu'il avait l'intention de remonter sur le ring. Il n'avait pas perdu son temps et pour combler l'absence de conseils d'entraîneur, il avait regardé une quantité astronomique de vidéos. Il avait amassé une quantité impressionnante d'informations sur les combats, il maîtrisait la théorie. Et malgré quelques difficultés, c'est grâce à cette dernière qu'il triompha de l'adversaire que lui avait désigné son père. Ce dernier lui adressa alors le premier sourire de fierté et lui adressa même un pouce levé.

Maintenant, Anton a vingt ans. Il a réussi à intégrer l'école qu'il voulait. Même si suivre les cours n'était pas toujours évident, avec le soutien de professeurs, il réussit quand même. Concernant la boxe française, il la pratique en débutant comme un hobby. Il a abandonné l'idée de faire des matchs aussi, il sert de partenaire d'entraînements aux autres membres du club et se contente de ça. Cependant, complètement fatigué par ses devoirs et le sport, il s'endormit dans le bus qui devait le ramener chez lui et disparut laissant ses affaires sur le siège d'à côté...