Joyce Harper - fiche terminée

Par la force des choses, Joyce est devenue une fille assez solitaire (il vaut mieux être seul que mal accompagné, d’après le dicton). Pourtant, tout ce qu’elle demande c’est un peu de compagnie, mais surtout beaucoup d’amour. Que quelqu’un s’intéresse enfin à elle afin qu’elle se sente utile pour ce quelqu’un, en quelque sorte. Du coup, elle a au fil des ans développé une sorte de carapace pour se protéger, ce qui a entraîné une sorte de cercle vicieux (au plus elle devient « différente » des autres filles, au plus elle s’éloigne, et ainsi de suite) qu’une seule personne a percer jusqu’à présent. Joyce a un peu de mal à faire confiance, mais si elle sait qu’elle le peut, alors elle la placera sans hésiter.

Quand elle était plus jeune, son côté garçon manqué faisait régulièrement des victimes auprès de la gent masculine qui osait se moquer d’elle dans son collège. Les filles un peu trop superficielles aussi, d’ailleurs. Elle n'a plus eu l'occasion de se battre depuis, mais ce n'est pas l'envie qui lui en a manqué.

Pour ce qui est des relations proprement dites, elle n’a jamais senti une quelconque attirance envers des garçons ou des filles en particulier, si bien qu’elle ne s’est même jamais sentie amoureuse de quelqu’un. Qui voudrait d’elle, de toutes façons ? Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, parfois.

La jeune femme n'avait pas dormi depuis deux jours et deux nuits. Il faut dire qu'après ce qui s'est passé, elle n'en avait pas vraiment envie. En fait, Joe vient de fuguer de chez elle. Elle en a assez de cette vie misérable qui a été la sienne jusqu’alors. Entre un père absent, une mère totalement je-m’en-foutiste et le reste du monde qui se moquait complètement de son existence, ce fut la seule chose à peu près logique qu’elle parvint à faire.
Elle s’arrêta dans une ruelle et se coucha dans un coin pas trop sale après avoir dégagé les quelques papiers gras qui traînaient. Ici, au moins, elle ne gênerait personne – après tout, personne n’avait l’air de faire attention à elle de toutes façons.

Toute sa vie n’avait été pour elle qu’un fiasco total, une vaste blague organisée par elle ne savait quelle force pour se moquer cruellement de sa petite personne. Elle ne se rappelait même plus si elle avait eu un moment vraiment heureux au cours de sa vie. Peut-être un ou deux, mais à quoi bon y penser ? A chaque fois qu’elle le faisait, la peine qu’elle ressentait lui retombait dessus comme un énorme poids mort prêt à ne faire qu’une bouchée de la jeune femme. Sinon, toute sa vie se résumait à deux choses : le mensonge et les ô combien cruelles désillusions.

Il y avait sa famille, tout d’abord. Fille unique, elle a toujours habité un petit pavillon de banlieue avec ses parents, quoique « avec sa mère » est plus exact étant donné que son père n’était presque jamais à la maison. C’était à cause du boulot, lui a t-on dit un jour, mais comment faire comprendre ça à une petite fille déçue par son père qui n’a jamais pu tenir la promesse (pourtant solennelle) d’assister à son anniversaire ? Et sa mère, qui pense plus à ses manucures et à son affreux petit chien plutôt qu’au bonheur de sa fille, comment lui expliquer ?
Et puis, il y avait les autres. Au collège, elle était invisible et tout le monde se moquait d’elle à cause de son physique « qui faisait trop garçon », ce qui lui a valu quelques bagarres. Au lycée, même si certains élèves étaient un peu plus mâtures, elle restait invisible.

Heureusement qu’il y avait Kim. Kim, c’est une jeune fille de quelques années sa cadette qu’elle a rencontré alors qu’elle faisait du théâtre. Avec elle, Joyce a ré-appris à rire, et s'est même découvert une certaine habileté pour les combats d'épée en plastique et de manipulation des cartes. Toujours souriante, elle avait bien failli lui redonner goût à sa vie, mais un déménagement soudain à l’autre bout du pays ne rendit Joyce que plus sombre encore alors qu'elle ressentait envers elle le début d'un sentiment, sans quelle ne puisse le définir. Alors la voici dans cette ruelle, dans un coin pas trop sale. Tout ce qu'elle a sur elle sont un paquet de cartes, un sachet de bonbons et une épée en plastique qu'elle a oublié de rendre au club de théâtre, trop chamboulée par la nouvelle.

Et puis, elle ferme les yeux. Elle semble enfin s’endormir, avant de disparaître comme par magie.